Nouveau Décret Tertiaire : comprendre le texte pour bien s’y préparer

Décret tertiaire
25 mars 2020
advizeo
les enjeux du décret tertiaire

Un nouveau décret relatif à la réduction de la consommation d’énergie dans les bâtiments tertiaires a été publié au journal officiel le 25 juillet 2019 par le gouvernement (ministère de l’écologie) et entrera en vigueur le 1er octobre 2019. Ce texte, détaillant l’application de la Loi ELAN, était très attendu par de nombreux acteurs du bâtiment.
 
advizeo ne saurait trop encourager tous les acteurs impliqués dans la gestion énergétique des bâtiments tertiaires (entreprises, collectivités, mainteneurs, bureaux d’étude, foncières immobilières) à anticiper au maximum les nouvelles mesures imposées par le dispositif éco-énergie tertiaire :
 

  • En s’appuyant dès que possible sur une solution simple de pilotage de la performance énergétique des bâtiments.
  • En approfondissant leur connaissance de cette réglementation et de ses implications (via des formations par exemple).
  • En approfondissant leur connaissance sur leurs établissements assujettis
  •  
    Pour participer à ce deuxième objectif, nous vous proposons un éclairage juridique sur le contenu de ce texte qui s’inscrit dans le cadre plus large de la Loi ELAN.

    Entretien avec Sébastien Canton

    ,

    Avocat au Barreau de Paris, associé du cabinet BMHAVOCATS et spécialiste du droit de l’énergie.

     

    advizeo : Quels sont selon-vous les obligations légales et les éléments marquants du texte, ceux susceptibles d’avoir un impact concret sur les acteurs tertiaires et qui nécessitent qu’ils s’y préparent ?

     

    Sébastien Canton, BMHAVOCATS : Le décret met principalement en place deux séries d’obligations à destination des bailleurs et, le cas échéant, des locataires d’immeubles tertiaires auxquels le décret s’applique : tout d’abord, des mesures concrètes devront être mises en place pour atteindre les objectifs de réduction de la consommation énergétique finale. Cela passe par :
     

  • l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments,
  • l’installation d’équipements performants et de dispositifs de contrôle et de gestion active de ces équipements, des modalités d’exploitation de ces équipements performantes
  • et l’adaptation des locaux à un usage économe en énergie et du comportement des occupants.
  •  
    Autre point marquant du texte, en lien avec le précédent, la mise en place, par le gouvernement français et/ou sous contrôle, d’une plateforme informatique de recueil et de suivi de la réduction de la consommation d’énergie finale (OPERAT).
     
    Une déclaration des consommations annuelles d’énergies des bâtiments, parties ou ensemble, par type d’énergie est obligatoire par les bailleurs et preneurs. Une vérification de l’atteinte des objectifs 2030, 2040 et 2050 sera réalisée au travers de cette plateforme une année après chaque échéance. La non-transmission des informations pourra donner lieu à mise(s) en demeure de la part du Préfet, voire, si les mises en demeure ne sont pas suivies d’effet, à publication sur un site internet des services de l’État de ces mises en demeure (« name and shame » – littéralement « donner le nom de la société ou collectivité concernée et l’afficher publiquement). Il en va de même si les objectifs ne sont pas atteints et si le Préfet met en demeure le propriétaire et, le cas échéant, le ou les locataires.
     
    Enfin, il faut signaler que consommations énergétiques finales et objectifs de réduction doivent donner lieu à un affichage à destination des personnels exerçant leurs activités dans les locaux concernés.

     

     

    A : Les objectifs de réduction de consommations énergétiques fixés sont particulièrement ambitieux mais un principe de « modulation » des obligations est prévu. Est-ce une dimension du texte à ne pas sous-estimer ?

     

    S.C : En effet, outre certaines dérogations relativement anecdotiques, le système de « modulation » apporte une certaine souplesse au mécanisme. Précisons d’abord que l’article 175 de la loi ELAN prévoit une alternative aux objectifs chiffrés de réduction pour 2030, 2040 et 2050, calculée en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de la catégorie concernée. Ce même article précise que, quelle que soit la méthode retenue pour déterminer l’objectif de réduction, le volume de l’activité exercée dans le bâtiment peut être pris en compte, un arrêté ministériel viendra préciser ce point pour chaque catégorie d’activité.
     
    La loi ELAN indique également que l’objectif de réduction peut être modulé si les actions à mettre en œuvre pour l’atteindre entraînent des coûts « manifestement disproportionnés » par rapport aux avantages attendus en termes de consommation d’énergie finale.
    Sur ce point, le décret oblige propriétaires et/ou occupants à fournir un document sous forme d’argumentation technique et financière. Un arrêté viendra fixer les durées de retour sur investissement au-delà desquelles les coûts des actions seront considérés comme disproportionnés.
     
    Du reste, l’obligation de fournir un document technique s’impose pour tous les cas de demande de modulation, sauf celui lié au volume d’activité.
     
    Autant dire que, pour ajuster les objectifs à leur activité, les professionnels devront disposer d’outils performants pour dresser un état initial de leurs consommations et devront cibler obligatoirement les actions concrètes permettant d’atteindre ces objectifs.
     
     

    A : Quels conseils pourriez-vous donner aux entreprises et acteurs de la transition énergétique pour s’armer face à la possible complexité des réglementations pouvant freiner l’atteinte des objectifs de consommations énergétiques ?

     

    S.C : Compte tenu de l’importance de l’efficacité énergétique, particulièrement dans le bâtiment, dans la protection de l’environnement, et de la faiblesse des résultats enregistrés jusqu’à présent en France dans ce domaine, l’heure n’est plus aux atermoiements.
     
    Les objectifs RSE (Économique – Sociétal – Environnemental) affichés par certaines grands groupes et les actions annoncées par certains asset managers de premier plan sont de nature à faire « décoller » le marché.
     
    Le fait que de nombreuses entreprises innovantes se soient lancées ces dernières années sur ce marché et proposent des technologies qui vont permettre aux propriétaires et aux occupants de bâtiments tertiaires d’atteindre leurs objectifs, prouve également un changement de paradigme.
     
    La demande est là, la pratique montre que les citoyens se saisissent de plus en plus de la question énergétique, non seulement chez eux mais aussi sur leur lieu de travail et dans l’espace public. A cet égard, le fait que les autorités désignent le « name and shame » comme la sanction la plus impactante prévue par le décret tertiaire montre finalement que le citoyen est bien titulaire d’un pouvoir de décision.
     
    Dernière chose à ne pas négliger, le potentiel en termes de création d’emplois et de développement technologique sur le territoire national est fort.
     
    Il faut désormais accélérer et que les propriétaires et les occupants utilisent la réglementation et les outils existants pour mettre en place une vraie réflexion sur l’usage de l’énergie dans les bâtiments tertiaires.
     
     

    A : Pour finir, d’autres projets de loi en cours sont-ils à regarder avec une attention particulière pour les acteurs du bâtiment et de la transition énergétique ?

     
    S.C : Le projet de loi relatif au climat et à l’énergie adopté cet été vient modifier le code de l’urbanisme pour prévoir que les projets neufs soumis à autorisation d’exploitation commerciale de l’article L. 752-1 du Code de Commerce (entre autres, les magasins de commerce de détail de plus de 1.000 m², les ensembles commerciaux, les extensions de magasins entraînant un dépassement des 1.000 m², etc.) et les projets de construction neuve de locaux industriels et artisanaux, entrepôts et hangars faisant l’objet d’une exploitation commerciale de plus de 1.000 m² d’emprise au sol, doivent intégrer sur 30 % de la surface de leurs toitures un procédé de production d’énergies renouvelables (panneaux photovoltaïques en toiture par exemple) ou un système de végétalisation destiné à assurer une protection thermique et/ou à favoriser la biodiversité, ou tout autre procédé équivalent.
     
    Plus largement, il faudra garder un œil sur la transposition de certaines dispositions « innovantes » de la directive communautaire 2018/844 du 30 mai 2018 relative à la performance énergétique et à l’efficacité énergétique des bâtiments, comme par exemple la mise en place de « systèmes d’automatisation et de contrôle » des bâtiments non résidentiels équipés de climatisations ou bien encore d’un dispositif, commun à tous les Etats-membres, permettant de mesurer le « potentiel d’intelligence » des bâtiments.

     

    Sébastien CANTON
    Avocat au Barreau de Paris

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